Ces derniers jours, les suppressions de trains régionaux en Auvergne semblent se multiplier, à la suite de mouvements sociaux locaux. Et les nouveaux horaires (service annuel 2025 applicable depuis le 15 décembre 2024) n’augure rien de bon : pas ou peu d’améliorations sur la desserte, même dix ans après la fin des travaux en gare de Clermont-Ferrand.
Début de rédaction le 9 décembre 2024. Publication le 15 décembre 2024.
Voilà plus de treize ans que j’emprunte un train TER entre Vichy et Clermont-Ferrand, d’abord pour mes études, et ensuite pour mon travail. La qualité du service proposé par SNCF et la région Auvergne (puis Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2016) ne s’est malheureusement guère améliorée, et ce, même si on a chassé le matériel roulant non accessible. Il est loin, le service annuel[a] 2012[b], où l’on promettait des trains partant à un horaire précis (principe du cadencement applicable sur des liaisons à double voie, comme Clermont-Ferrand – Moulins-sur-Allier ou Clermont-Ferrand – Vic-le-Comte).
L’heure de gloire est révolue
Il est loin l’heure de gloire où les renforts venaient compléter les dessertes régionales. Et les améliorations du service annuel 2012 (où la région Auvergne annonçait une augmentation de 10 % du nombre de trains) ne s'affichent plus. Dès l’année suivante, une baisse notable du nombre de trains (de 20 %) était annoncée. Parmi les victimes :
- des trains purement et simplement supprimés, et qui avaient pour terminus Vic-le-Comte, Issoire, Gannat, Saint-Germain-des-Fossés et même Vichy. Cette dernière, la deuxième d’Auvergne par sa fréquentation, avait un renfort en heure de pointe de l’après-midi assuré avec un modeste autorail X 73500 ;
- des trains dont le parcours est limité à Clermont-Ferrand, nécessitant parfois un changement de train dans cette gare pour continuer au-delà. Les Moulins-sur-Allier – Vic-le-Comte étaient huit en 2012[c], ils ne sont plus que quatre en 2013 et cela n’a guère changé en 2024.
Dans l’autre sens, c’est encore pire. Il reste quand même, en semaine, des trains directs entre le sud de Clermont-Ferrand et Moulins, avec des départs à 7 h 42 (terminus Nevers), 10 h 42 et 15 h 42. Celui de 16 h 42 n'est plus direct seulement quelques semaines après le début du service annuel 2012 à la suite d'une composition déplorable (seulement un autorail à ses débuts !) et n’a jamais pu être rétabli en train direct. Ce TER, qui était numéroté 874006, est devenu le 873618 au sud de Clermont-Ferrand (873610 depuis) et 873360 au nord.
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Gerzat, 20 août 2024. Le TER 874009, qui relie Moulins-sur-Allier à Vic-le-Comte, est l’un des 19 trains (11 dans le sens nord-sud) à relier le nord et le sud de Clermont-Ferrand sans changement. Il va longer dans quelques secondes le triage des Gravanches. À son retour au terminus de Vic-le-Comte, il assurera le TER 873610 Vic-le-Comte – Clermont-Ferrand, puis le TER 873360 Clermont-Ferrand – Moulins-sur-Allier. Ces deux derniers trains auraient pu et dû ne faire qu’un, mais une composition totalement inadaptée au tout début du service annuel 2012 mettra prématurément fin du TER direct numéroté alors 874006. C’est regrettable. Photo : Tabl-trai, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons |
Il est illusoire qu’en heure de pointe l’après-midi, il n’y ait plus de train direct entre le sud de Clermont-Ferrand et Moulins
Peine maximale pour les usagers effectuant le trajet Clermont-La Pardieu – Vichy ou une autre gare sur la ligne de Moulins. Avec la suppression de trains directs, cela impose aux usagers une correspondance en gare de Clermont-Ferrand, faisant perdre l’intérêt du concept de diamétralisation dans cette gare.
Le TER 874008, réutilisant le TER 873613 qui assurait une liaison Clermont-Ferrand (16 h 13) – Vic-le-Comte, et retour jusqu’à Moulins-sur-Allier, partait de La Pardieu à 17 h 03, de Clermont-Ferrand à 17 h 10 (légère entorse au cadencement) pour arriver à Moulins à 18 h 15 (Vichy 17 h 41). Au service annuel 2013, le TER 873613 est supprimé, ce qui fait que le TER 874008 (rebaptisé 873368) est origine Clermont-Ferrand. Et peine perdue pour les travailleurs qui doivent attendre le TER 874210 (Brioude – Gannat, qui existe toujours), partant cinq minutes plus tard, pour arriver à 17 h 13 ratant de peu le TER pour Moulins, et ensuite emprunter le TER 875500 qui part de Clermont-Ferrand à 17 h 42, terminus Montchanin… qui était pourtant origine Vic-le-Comte en 2012 !
Cette suppression de trains, prévue pour des travaux sur les quais en gare de Clermont-Ferrand, était bien prévue, et c’est inéluctable, mais elle aurait été jugée trop précoce pour des travaux qui n’ont en fait commencé que quelques mois plus tard. Et deux ans après, les trains supprimés n’ont pas été restaurés.
On n’oublie évidemment pas la ligne de Thiers : Vertaizon a perdu son statut de gare terminus avec la suppression des renforts (et ce alors qu’une nouvelle halte ferroviaire avait été créée dès le début du service annuel 2012, à Aulnat, pour permettre une correspondance avec l’aéroport). Cette gare, située à l’est de Clermont-Ferrand, retrouve son statut de terminus en 2020 avec le retour des renforts. Mais sur cette relation, les trains de la ligne sont exclusivement des Clermont-Ferrand – Thiers ou Vertaizon, depuis la neutralisation de la ligne au-delà de Thiers entraînant la suppression des TER pour Saint-Étienne (un non-sens de briser le lien ferroviaire entre deux métropoles[d] au sein d’une même région depuis 2016).
Sans parler des liaisons entre Clermont-Ferrand et Volvic, dont l’offre a perdu de son intérêt à la suite, notamment, de la suppression des liaisons vers le Limousin (fermeture entre Laqueuille et Ussel en 2014) et Le Mont-Dore, mais aussi d’une utilisation défavorable du rail au profit des transports urbains jusqu’à Durtol, et aussi parce que la gare de Volvic est très éloignée du bourg. Et les liaisons diamétrales entre Thiers et Volvic ont purement et simplement disparu : on profitait de l’ouverture de la halte d’Aulnat-Aéroport pour promouvoir des liaisons directes ; aujourd’hui, ces liaisons semblent se tourner le dos.
Créer un pôle métropolitain alors qu’on supprime des trains… où est la logique ?
Cette situation est totalement illusoire alors qu’un projet de pôle métropolitain était censé accentuer le poids de l’agglomération de Clermont-Ferrand au sein de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes. Ce pôle métropolitain, baptisé « Pôle métropolitain Clermont Vichy Auvergne », a vu le jour le 31 octobre 2013. Et dix ans plus tard, on parle d’un projet de service express régional métropolitain. Des études ont déjà été réalisées sur le renforcement des transports en commun au sein de Clermont Vichy Auvergne… mais pas en refaisant de Vichy un terminus de train.
C’est justement ce que je subis : je prends tous les jours un train entre Vichy et Clermont-La Pardieu pour mon travail. Les deux gares sont reliées en quarante minutes, grâce à un train direct… mais uniquement à l’aller ; le retour impose une correspondance de très courte durée où la direction de Vichy est connue seulement au dernier moment (trois à quatre minutes avant, le temps de changer… de quai, car la correspondance ne s’effectue même pas sur le même quai !).
Cette ineptie a duré trop longtemps : dix ans pour une attente de trente minutes en gare de Clermont-Ferrand, c’est beaucoup trop (peut-être même inacceptable pour une grande gare de province). En 2023, et seulement cette année, une solution a été trouvée pour permettre (enfin) une liaison entre le sud de Clermont-Ferrand et Moulins… moyennant une correspondance : modifier l’horaire du TER 874210 Brioude – Gannat en avançant le départ de La Pardieu à 17 h 03 pour ensuite correspondre avec l’autre train pour Moulins. Seul écueil : il faut changer de quai. Et si le premier train accuse cinq minutes de retard, impossible d’attraper la correspondance : il faut patienter trente minutes[e]. C’est ainsi, faute de pouvoir ajouter des trains.
Le nombre de liaisons diamétrales autour de l’étoile de Clermont-Ferrand faisait rêver en 2012. L’année suivante, il y en a eu beaucoup moins, et en 2024, on en compte seulement… 19 : 11 dans le sens nord-sud et huit dans le sens sud-nord. Et entre 16 heures et 18 heures, aucun d’entre eux n’est direct entre La Pardieu et Vichy ! Et pour 2025, aucune amélioration n’est attendue.
En ce moment : des trains supprimés et moins capacitaires
Les derniers mouvements sociaux sont liés à la possible disparition de l’entité Fret de la SNCF. Cela ne plaît pas et provoque un mouvement social national, reconductible. Les trains supprimés sont souvent les mêmes, ce qui oblige les voyageurs de ces trains à modifier leurs habitudes, en empruntant un train plus tôt ou plus tard.
Les jours de grève, certains trains sont supprimés, tandis que d’autres voient leur parcours limité. Ainsi, le premier TER qui relie Moulins-sur-Allier à Brioude a vu, jeudi et vendredi, son parcours limité à Saint-Germain-des-Fossés – Issoire. Ce qui arrive souvent, surtout quand la gare de Moulins est fermée : les Intercités ne marquent alors aucun arrêt entre Vichy et Nevers.
S’ajoutent les problèmes de capacité des trains. Autour de Clermont-Ferrand, on ne trouve que trois types de trains :
- les Régiolis B 84500 (au nombre de 12, 4 voitures, utilisation possible du mode électrique entre Clermont-Ferrand et Moulins via Vichy). Ils sont notamment utilisés pour les relations vers Moulins et Brioude, plus rarement vers Thiers, mais pas vers Lyon (il n’y a pas de 1re classe) ;
- les AGC X 76500 (au nombre de 26, 3 voitures, diesel). Ils sont utilisés sur toutes les relations même vers Moulins (circulation thermique sous caténaires) et bien sûr Lyon, ces trains proposant la première classe ;
- les autorails X 73500 (plus de soixante sur l’ensemble de la région, 1 voiture, diesel). Ils sont principalement utilisés sur les petites lignes (Montluçon, Gannat, Thiers, Volvic et le sud de Clermont-Ferrand (Issoire, Brioude, Le Puy-en-Velay)) mais il n’est pas exclu qu’ils errent sur des relations vers Moulins. Ils circulent généralement en unité multiple.
On trouve plus rarement des B 82500, acquis par la région Rhône-Alpes, qui proposent la première classe, et qui sont déployés sur les relations Clermont-Ferrand – Lyon (permettant d’utiliser le 1 500 V entre Lyon-Perrache et Saint-Germain-au-Mont-d’Or, le 25 000 V entre Saint-Germain-des-Fossés et Clermont-Ferrand et le diesel entre les deux Saint-Germain). On ne sait pas ce que veut faire la Région avec le matériel roulant, mais l’avenir semble plus sombre côté Auvergne, où l’on veut déployer plus de X 73500, plus bruyants en gare, plus lents sur certaines lignes (140 km/h maximum sur des sections parcourables à 160).
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Gare de Clermont-La Pardieu, 16 juin 2023. Cet train, à destination d’Aurillac, est assuré avec une unité multiple d’autorails X 73500. On risque de voir, de plus en plus souvent, des TER Clermont-Ferrand – Moulins avec ce type de matériel avec les inconvénients : moins rapides (140 km/h contre 160), et plus bruyants en gare (même s’ils sont bien évidemment accessibles aux personnes à mobilité réduite). Photo : Tabl-trai, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons |
Et malheureusement, ce sera le cas sur la relation Clermont-Ferrand – Montchanin (et non plus Dijon), départ à 17 h 41. Jusqu’à présent, c’était le B 81500 (3 ou 4 caisses) de la région Bourgogne qui venait en Auvergne, désormais ce sont les autorails X 73500 (en unité multiple, deux voitures) qui assureront le service. C’est un des premiers signes de la dégradation de la qualité du service en Auvergne.
Reste à savoir si cette modification satisfera la clientèle dans les jours à venir. D’ailleurs, sur la ligne 80 Clermont-Ferrand – Issoire – Brioude, on se plaint des problèmes à répétition, notamment de trains sous-capacitaires ne permettant pas à tous les voyageurs de monter. Contacté par le journal La Montagne, la région Auvergne-Rhône-Alpes, exerçant la compétence transports collectifs (dont le TER), et SNCF Voyageurs, « disent connaître certaines situations de gênes pour pour les usagers en particulier lors de mouvements de grève et épisodes météorologiques récents »[1]. Ainsi :
- concernant les grèves : les 12 et 13 novembre, le TER 874231 reliant Moulins à Brioude (Arvant le 12 novembre) était bondé à la suite de l’utilisation d’un seul train B 84500 = 4 voitures (le 12) ou X 76500 = 3 voitures (le 13), notamment entre Vichy et Clermont-Ferrand ; les trains suivants partant une heure plus tard ;
- concernant la météo : le 25 novembre, la circulation de tous les trains dans les départements auvergnats avait été suspendue à titre préventif en raison du passage d’une tempête, ce qui m’a poussé, pour aller sur mon lieu de travail, à emprunter ma voiture (qui n’aura roulé, ce mois-ci, que 394 km, soit l’équivalent d’un peu moins de quatre allers-retours).
Pour les problèmes liés au matériel roulant, la Région reconnaît « des difficultés ponctuelles de l’exploitation qui portent des tensions sur des trains de pointe », motif avancé justifiant la suppression du TER Clermont-Ferrand – Nîmes de 16 h 40, avec un report sur le TER Clermont-Ferrand – Aurillac de 16 h 48.
Désormais, sur les fiches horaires de certaines lignes périurbaines (notamment les 15 et 80), une ligne supplémentaire a été ajoutée, indiquant les trains présentant une forte affluence en semaine, conseillant aux usagers d’emprunter, si possible, un autre train.