Lorsqu’un grand projet change le paysage et le quotidien de ses habitants, la carte devrait refléter la réalité du terrain… quand cela est possible. Contributeur OpenStreetMap depuis quinze ans, je sais de quoi je parle : des difficultés pour mettre à jour une carte à partir de relevés terrain.
Dans le premier épisode : les berges d’Allier en rive droite, côté Vichy, dix ans pour fiabiliser des données (!)
Cet article a été publié le 28 juin 2024, soit dix ans jour pour jour après son inauguration, sur le quai d’Allier ; c’était d’ailleurs la première fois que j’assistais à une inauguration.
Faire de son mieux avec ce qu’on peut
En 2014, je n’avais pas de GPS qui aurait permis de placer des points (tels que des petits équipements[a]) avec précision, au mieux à cinq mètres. Les relevés s’effectuaient alors à la main, avec des données deja existantes aussi précises que possible, mais avec un fond cartographique pas toujours récent.
Depuis le pont de Bellerive, 16 juillet 2014. Comment cartographier les petits équipements — ici onze (!) bancs et une poubelle — avec une imagerie aérienne inexistante, obsolète et qui a attendu trois ans pour qu’elle soit disponible, avec une précision insuffisante… et sans GPS ? Le seul obstacle, quand ce n’est pas la végétation, c’est la résolution de l’image sur laquelle il est possible de recaler les relevés de terrain. Tabl-trai, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons |
Au sud du quai d’Allier, 18 août 2023. Même les escaliers (qui ont tous été refaits avec une pente moins accidentogène qu’avant) ont été difficiles à cartographier, notamment à cause des arbres des parcs Napoléon-III et Kennedy. Tabl-trai, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons |
Nord des berges de l’Allier, 19 mai 2024. Et ne parlons pas de ces six bancs, sans dossier, dont le recalage a été quasiment approximatif. Des relevés LIDAR, si seulement les contributeurs d’OpenStreetMap pouvaient les utiliser, auraient permis d’être bien plus précisément cartographiés. Tabl-trai, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons |
Déjà une image aérienne en haute résolution avant même l’avènement de l’open data
Dans la zone de Vichy, il existait déjà une imagerie satellite d’une précision inégalée. En Auvergne, le CRAIG[b] met à disposition de ses contributeurs OpenStreetMap une imagerie aérienne, datée de 2009, d’une précision de 30 cm pour l’Allier et le Puy-de-Dôme, et même de 15 cm pour les quatre communautés d’agglomération de l’époque (Moulins, Montluçon, Vichy et Clermont-Ferrand). Une résolution plus que suffisante, qui a permis de cartographier avec précision tous les petits équipements de l'esplanade du Lac d’Allier, entre le boulevard du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny et le pont de l’Europe (abris, bancs, poubelles, supports d’éclairage public, etc.), ou encore autour de la gare, deux grands chantiers qui se sont terminés au milieu de l’année 2009.
En revanche, pour les chantiers terminés à partir du 2e semestre 2009, tels que les alentours du collège Jean-Rostand à Bellerive-sur-Allier ou la cité scolaire Albert-Londres à Cusset (avec notamment sa halte routière), il faut attendre encore plusieurs années. La surprise viendra de l’accord signé avec Microsoft pour utiliser l’imagerie aérienne de Bing, qui est un peu plus récente (2011) mais moins précise. Et ce alors que son principal concurrent, Google Maps, était devancé, avec une imagerie datée de 2008.
La politique d’ouverture des données (open data) n’a vu le jour qu’au début des années 2010[c] : les contributeurs OSM avaient donc de l’avance.
La cartographie de terrain de la nouveauté… sans GPS, c’est possible
L'un des points essentiels de la cartographie sur OpenStreetMap est la cartographie sur le terrain. Cette pratique est même encouragée, bien plus qu’une cartographie depuis son bureau, car cela permet de découvrir des zones qui ne peuvent pas facilement être cartographiées[d], notamment des petits équipements, qui sont nombreux sur l’aménagement des berges d'Allier.
Le défi était de cartographier tout, à la main, dans la mesure du possible, malgré les obstacles qui peuvent compliquer la tâche : bancs, poubelles, escaliers (ils sont désormais tous accessibles).
Voir la carte (relevés à la main avec données © contributeurs d’OpenStreetMap)
Le but étant de cartographier, malheureusement avec une grande approximation, les berges de la dernière rivière sauvage d’Europe, dont le réaménagement qui s’est terminé fin juin (avec une inauguration le 28 juin 2014), a coûté 8,5 millions d'euros. Il faudra cependant attendre… trois ans pour une image aérienne montrant cette nouveauté.
Une nouvelle imagerie aérienne qui arrive tardivement
Plus précise, mais déjà obsolète…
Les sources avec lesquelles j’ai pu travailler sur OpenStreetMap sont : le cadastre (fin 2014, il était déjà possible de localiser les escaliers et les nouveaux bâtiments de la plage des Célestins) et les seuls relevés de terrain approximatifs. Une nouvelle imagerie, encore plus précise, venait d’être rendue disponible, avec une précision de 10 cm (contre 15 cm en 2009, respectivement 25 cm contre 30 cm hors des communautés d’agglomération).
Sauf que cette nouvelle image, plus précise, date de 2013. Elle permet enfin de voir les aménagements terminés en 2009, 2010, 2011 et 2012, et le premier semestre de 2013 (parvis de l’église Saint-Louis à Vichy, cours Arloing à Cusset et une partie du boulevard urbain parmi les aménagements en cours de réalisation). Les imageries mondiales (celle de Bing datant de 2011) ne seront d’aucune aide pour essayer de recaler les ajouts de 2014.
Il faudra attendre 2017 pour voir enfin les berges réaménagées (mais avec une précision ne permettant pas de déceler des bancs)
En 2017, soit trois ans après la fin des travaux, une nouvelle imagerie est disponible. Mais la qualité est la même que ce soit dans ou hors d’une communauté d’agglomération, d’autant plus que la couverture s’étend à toute l’Auvergne, mais aussi à la Loire.
Il était à peine possible de reconnaître le nouveau boulevard urbain, mais seulement la première tranche désormais en service, alors que la deuxième venait d’être livrée.
La nouveauté déçoit : on voit à peine les nouveaux bancs, les nouvelles poubelles, en revanche, il est difficile de repérer les nouveaux escaliers, et totalement impossible de localiser les mâts d'éclairage public, surtout lorsqu’ils sont cachés par les centaines d'arbres des parcs d’Allier. Les imageries suivantes (2019 et 2022) ne feront pas mieux. En revanche, une commande spéciale pour Vichy, réalisée en 2021, a permis la cartographie de la ville à une précision exceptionnelle de… 3 cm, ce qui ouvre la voie (dès 2023) à un recalage très précis (travaux en cours).
Remarque : en rive gauche, le délai de traitement par image aérienne sur les berges réaménagées en rive gauche n’a pas été de trois ans mais de trois… mois, grâce à l’imagerie aérienne fournie par Bing, où l’on pouvait déjà apercevoir les nouveautés.
Dans l’épisode suivant : comment cartographier les nouveaux équipements du parc des Sources, dont l’espace central et le fer à cheval (au sud de la rue du Casino) ont été partiellement livrés le 21 juin 2024, à temps pour le passage de la flamme olympique ?
- Les petits équipements sont : bancs (y compris les transats), poubelles, points d'eau potable, supports d’éclairage public...
- Centre régional Auvergne de l’information géographique.
- Voir l’article « Données ouvertes en France » sur Wikipédia.
- Voir l’article « FR:Cartographier depuis son fauteuil » sur OpenStreetMap Wiki.
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