samedi 29 mars 2025

Dans le rétro : 29 mars 2015, les premières élections départementales

Le 29 mars 2015, pour la première fois, les Français étaient appelés aux urnes pour voter à un nouveau type d’élection : les élections départementales. Cette date correspond en fait au second tour des élections, car certains cantons étaient déjà pourvus au premier tour. Outre le fait que cette journée n’a duré que 23 heures[a], elle a cependant marqué un tournant dans le paysage politique français.

Le nom : le « département » est partout, le canton change de sens

Pourquoi « conseil départemental » ou « élections départementales » ?

Avant une loi de mai 2013, les assemblées départementales avaient un autre nom. Le siège du département s’appelait alors conseil général, les représentants des cantons les conseillers généraux.

La loi no 2013-403 du 17 mai 2013 annonce, dans son premier article, le changement de dénomination des assemblées départementales : le conseil général devient le conseil départemental et les conseillers généraux deviennent départementaux.

Ceux-ci sont élus par les citoyens dans le cadre des élections dites départementales, et pour la première fois en binôme de sexe différent (on instaure déjà la parité dans une élection, en l’occurrence les assemblées départementales), pour une durée de six ans. Cela signifie que, théoriquement, les prochaines élections devraient avoir lieu en mars 2021, puis en mars 2027, en mars 2033… mais une crise inédite et une autre élection d’ampleur bouleverseront le calendrier[b].

Le canton, nouvelle définition

Avant l’organisation des élections départementales, il a fallu également modifier la définition du canton. Celui-ci est désormais une division électorale, comme l’est la circonscription législative, et non plus une division administrative comme le sont toujours la commune, l’arrondissement, le département et la région. Les nouveaux cantons s’affranchissent des limites des arrondissements, ce qui peut donner lieu à des situations étranges.

Le nombre de cantons dans un département devra être impair, et atteindre un minimum selon la population du département (au recensement de 2010) (article 4). Si, dans l’Allier (environ 342 908 habitants) il doit y avoir un minimum de treize cantons, il y en aura finalement dix-neuf.

Les nouvelles limites des cantons sont définies par décrets en février et mars 2014. Pour l'Allier, le décret no 2014-265 du 27 février 2014 (JORF du 1er mars) en comptera 19. On découvre que Montluçon sera divisée en quatre cantons, Moulins deux et Vichy deux. En revanche, le canton de Cusset est un canton unique.

C’est oublier que certains cantons, dont on ignorait leur existence, ont même refait leur apparition sous une autre forme. Il en est ainsi du canton de Cusset, qui a bel et bien existé, de 1793 à 1985, avant d’être scindé en deux : le canton de Cusset-Nord et celui de Cusset-Sud, comprenant chacun une fraction communale de Cusset plus quelques communes. Quant aux deux cantons vichyssois, ils ont été créés en 1973 (Vichy-Nord et Vichy-Sud), avant d’être modifiés en 1985 ; en 2015, les cantons de Vichy-1 et Vichy-2 rajoutent quelques communes à ces deux fractions cantonales, sans toucher au périmètre de ces cantons à l’intérieur de Vichy.

La nomenclature des fractions cantonales est désormais unique : fini les divisions avec une orientation géographique, celles-ci sont suivies systématiquement d’un chiffre. Cela ne permet plus de distinguer la partie nord ou la partie sud d’une commune (exemple dans l’Allier : Vichy-Nord et Vichy-Sud, mais Moulins-Ouest et Moulins-Sud ; Montluçon avait cinq cantons avec une orientation clairement identifiable, et il existait même le canton de Domérat-Montluçon-Nord-Ouest). Aujourd’hui, comment savoir la répartition des quatre nouveaux cantons de Montluçon ?

Celle des noms des cantons reprend, dans la plupart des cas, le nom de la commune la plus peuplée, mais pas forcément les noms des (ex-)chefs-lieux. Dans certains départements, les noms de cantons ne reprennent pas les noms des chefs-lieux de canton, renommés bureaux centralisateurs de canton. S’il n’existe aucun cas particulier dans l’Allier, de tels noms affluent ailleurs. Ainsi, dans le Puy-de-Dôme, il existe un canton du Sancy, dont le bureau centralisateur est situé à La Bourboule. Et en Haute-Loire, des cantons s’appellent Pays de Lafayette, Emblavez-et-Meygal, ou encore Plateau du Haut-Velay granitique, qui mettent plus l’accent sur un territoire plutôt que sur une commune donnée (qui reprend le nom du bureau centralisateur).

En revanche, on voit un peu plus de logique concernant les noms des cantons par rapport à la principale commune. Si, de toute évidence, les cantons de Gannat, Lapalisse et Saint-Pourçain-sur-Sioule, pour citer trois exemples dans l’Allier, ont eu pour chef-lieu les trois communes les plus peuplées et ont donc pour bureau centralisateur ces trois mêmes communes, le décret de 2014 crée un canton de Bellerive-sur-Allier qui reprend, à quelques exceptions près, le périmètre de l’ancien canton d’Escurolles, une commune plus de dix fois moins peuplée !

Nouveaux cantons, nouvelles aberrations ?

Le redécoupage cantonal de 2014 est censé mettre fin à une inégalité dans les populations. Aussi, constatait-on dans les départements des écarts de populations allant de un à vingt (car, oui, il a existé des cantons d’à peine un millier d’habitants), la nouvelle disposition est censée se rapprocher de la moyenne départementale (popdép/nbcantons ± 20 % pour la population de chaque canton). Dans l Allier, chaque canton aura une population de 18 048 habitants avec une tolérance de 20 %.

Avant le redécoupage de 2014, l’Allier comptait 35 cantons. Chaque canton était rattaché à un arrondissement : il y avait 12 cantons pour l’arrondissement de Montluçon, 12 pour Moulins et 11 pour Vichy[c].

Les nouveaux cantons s’affranchissent des limites des arrondissements ou des circonscriptions législatives. Le redécoupage des cantons s’effectue sur des bases démographiques, avec une continuité territoriale et une inclusion des communes de moins de 3 500 habitants dans un même canton. En ne faisant référence, ni aux limites des arrondissements, ni à celles des circonscriptions législatives, on peut désormais tomber sur des cas atypiques de cantons comprenant des communes faisant partie d’un autre arrondissement ou d’une autre circonscription législative.

Mais ce redécoupage, en privilégiant le critère démographique, crée parfois des aberrations géographiques. Si Abrest et Saint-Yorre sont logiquement rattachées au canton de Vichy-2, on peut légitimement se demander pourquoi rattacher au canton de Lapalisse les communes du Vernet, de Busset et de Mariol, qui sont pourtant plus proches de Vichy que de Lapalisse (ce choix semble moins remis en cause dans les communes de la montagne bourbonnaise).

On notera également que certains cantons sont à cheval sur plusieurs arrondissements. Cinq des dix-neuf cantons de l’Allier comprennent des communes situées dans au moins deux des trois arrondissements, tels que Gannat et Moulins-2.

Et on n’oublie évidemment pas les circonscriptions législatives, qui sont l’autre découpage électoral… dont les limites des nouveaux cantons s’affranchissent aussi ! Le redécoupage des circonscriptions législatives, entré en vigueur en 2010 et applicable à partir des élections législatives de 2012, a vu notamment la réduction du nombre de circonscriptions de 4 à 3 dans l’Allier. Le choix le plus aberrant concerne le canton de Varennes-sur-Allier, rattaché à la première circonscription (celle de Moulins), et plus particulièrement la situation de la commune de Saint-Germain-des-Fossés, dont les électeurs se retrouvent à voter pour des conseillers départementaux à Vichy-1 et un député… de la circonscription de Moulins !

Les résultats

Les premières élections départementales vont marquer un tournant dans l’histoire politique du département de l’Allier. Le département, le seul de province (l’autre étant le Val-de-Marne) à être dirigé par l’extrême-gauche (Jean-Paul Dufrègne, PCF, par ailleurs conseiller général du canton de Souvigny), bascule à droite, grâce à une courte majorité (20 sièges sur les 38).

Le 2 avril 2015, c’est Gérard Dériot (UMP), conseiller départemental du canton de Bourbon-l’Archambault, qui est nommé président du conseil départemental de l’Allier. Quant à Jean-Paul Dufrègne, il est toujours élu conseiller départemental dans le même canton de Souvigny (et a même été élu député de la première circonscription entre 2017 et 2022).

Et pendant ce temps…

Politique

  • François Hollande était président de la République ; Emmanuel Macron était alors ministre de l’Économie dans le gouvernement Valls ;
  • René Souchon présidait la région Auvergne (depuis 2006) et le projet de fusion avec Rhône-Alpes s’est concrétisé quelques mois plus tard 
  • Claude Malhuret était maire de Vichy (depuis 1989, soit 26 ans) : il en était à son cinquième (et dernier) mandat, tandis que Frédéric Aguilera, le maire actuel (depuis 2017), était adjoint à l’urbanisme (il est par ailleurs élu conseiller départemental du canton de Vichy-2 avec Évelyne Voitellier).
  • Jean-Sébastien Laloy, maire de Cusset depuis un an (qui a permis de basculer la deuxième ville de l’agglomération vichyssoise de l’extrême-gauche à la droite, tout comme l’Allier à la suite des élections départementales) est élu conseiller départemental du canton de Cusset (avec Annie Corne).

Dans les autres domaines

  • La ville de Vichy venait de rendre gratuites les toilettes publiques. Une nouvelle sanisette était projetée pour remplacer les toilettes souterraines du parvis de l’église Saint-Louis, fermées définitivement en janvier 2013. Cette nouvelle installation ouvre en juillet 2015.
  • La ville de Cusset instaurait, quant à elle, les comités de quartier, au nombre de huit, afin d’améliorer les relations entre les habitants et les élus.
  • Côté transports, le désenclavement de l’agglomération se poursuit. Le boulevard urbain est partiellement ouvert ; l’autoroute A 719 est ouverte depuis plus de deux mois et les travaux du contournement sud-ouest de Vichy se poursuivent, certes avec du retard, avec une ouverture prévue début 2016.
  • En gare de Vichy, qui ne connaît la traction électrique que sur les trains Intercités et quelques trains de marchandises, la filiale Gares et Connexions modernisait l’information voyageurs en remplaçant le grand tableau des départs par trois écrans nouvelle génération. Ceux-ci sont remplacés début 2021. En revanche, l’ascenseur du quai des voies B et C se fait attendre (livraison effective en 2017).

Sources : voir aussi les articles de Wikipédia concernant les élections départementales, celles de 2015 en France et dans l’Allier.

  1. Le 29 mars 2015 était le dernier dimanche de mars, jour où l’on passe à l’heure d’été.
  2. Les deuxièmes élections départementales, qui devaient avoir lieu en mars 2021, sont reportées en juin 2021 en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 ; quant à l’échéance de 2027, elle est repoussée à 2028 en raison de la prochaine élection présidentielle (sauf démission surprise).
  3. Les onze cantons de l’arrondissement de Vichy sont, en plus des fractions cantonales Nord et Sud des cantons de Vichy et Cusset : Le Donjon, Escurolles, Gannat, Jaligny-sur-Besbre, Lapalisse, Le Mayet-de-Montagne et Varennes-sur-Allier.

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